Est-elle d’autant plus célèbre qu’elle reste inachevée ? Chef-d'œuvre de Gaudí toujours en chantier, la basilique de la Sagrada Família continue de mettre à l’épreuve les successeurs de l’architecte. Une enquête enrichie d’une reconstitution en 3D inédite de l’atelier du maître, détruit en 1936 par un incendie.
Il y a des maisons, et puis il y a la maison de Ricardo Bofill : une ancienne cimenterie brutaliste aux proportions épiques à la périphérie de Barcelone, en Espagne. Monument grandiose de l'architecture industrielle dans la ville catalane de Sant Just Desvern, La Fabrica est un espace poétique et personnel qui redéfinit la notion de maison conventionnelle. "Aujourd'hui, nous voulons que tous ceux qui franchissent notre porte se sentent à l'aise, mais ce n'est pas l'idée de Bofill ici", déclare le cinéaste Albert Moya, qui a réalisé le dernier volet d'In Residence. "Cela va beaucoup plus loin, vous vous connectez avec l'espace d'une manière plus spirituelle." S'élevant au-dessus de jardins luxuriants qui masquent les racines peu glamour du terrain, les huit silos restants qui abritaient autrefois un flux incessant d'ouvriers et de machinerie lourde abritent désormais à la fois la vie privée de Bofill et sa pratique primée d'architecture et de design urbain.
Natif de la capitale de la Catalogne, l'architecte-urbaniste, à qui l'on doit notamment le marché Saint-Honoré à Paris ou le Donnelley Building de Chicago, parle de Barcelone avec une passion communicative. "C'est une ville unique, difficile à comprendre avec des schémas conventionnels, explique-t-il, en sillonnant les principales artères de la ville". C'est une cité inachevée, en constante mutation, où tout a le charme du non-fini". L'oeil aiguisé, Ricardo Bofill, observe et commente volumes et volutes. Debout, dans la nef de la Sagrada Familia, bras écartés, il pivote sur lui-même comme pour s'imprégner de l'espace. "Il faut avoir les yeux très ouverts, bouger tranquillement, et en même temps se rappeler ce qu'il y a derrière. C'est comme cela qu'on a le sens de l'espace. Sinon cet art n'existe pas."
Dans ce documentaire, Marie-Claire Rubinstein nous dévoile, à travers les témoignages des habitants qui y résident, les réalisations architecturales de l'urbaniste français Fernand Pouillon à Alger. Notamment les vastes ensembles de centaines de logements sociaux dont les plus célèbres Diar E Saâd (1953), Diar El Mahçoul (1954) et Climat de France (1957). Le contexte historique, durant la guerre d’indépendance est relaté par l'historien Benjamin Stora et Nadir Boumaza. Ce documentaire évoque également la personnalité de Fernand Pouillon dans ce contexte post-colonial.
Construisant à bon marché des immeubles en pierre de taille, Pouillon s’impose dès la fin des années 1940 à Aix-en-Provence et Marseille, bousculant ses pairs qui ne rêvent que tours et barres de béton. À Alger, jusqu’à l’Indépendance, il édifie en temps record des milliers de logements pour les plus démunis, véritables projets urbains inspirés des formes traditionnelles. En région parisienne, pour bâtir vite et bien des immeubles confortables, nichés dans la verdure, il devient promoteur : ce pari trop aventureux le mène en prison et entache sa réputation. Peu explicite sur cette affaire complexe, mais séduit par une architecture contemporaine qui allie inventivité technique et références anciennes, Christian Meunier filme en multipliant les angles de vue. Les ambiances vivantes d’aujourd’hui sont entrecoupées d’images d’archives, tandis que des écrits de Pouillon sont lus en off. Émus, ses collaborateurs évoquent un homme exigeant et généreux, à la passion communicative.