Il s’agit en fait du sixième film de Hu Jie. Jusque là, il avait réalisé des documentaires sur des sujets sociaux d’actualité. Alors qu’il travaillait sur des courts métrages sur les travailleurs migrants, il a commencé à s’intéresser à l’histoire. C’est alors que, au cours d’une réunion avec des amis, l’un d’entre eux a laissé tomber dans le courant de la conversation que ses parents avaient été des camarades de classe de Lin Zhao. Hu Jie n’avait jamais entendu ce nom, il demanda de qui il s’agissait. On lui expliqua alors qu’elle était étudiante à l’université de Pékin dans les années 1950 et avait été arrêtée et mise en prison pour avoir écrit des articles critiquant le régime. Elle avait continué à écrire des poèmes en prison, et, comme elle n’avait pas d’encre, elle avait écrit avec son sang.

Kelly est une jeune péruvienne, échouée à Tanger avec ses trois frères. Elle enrage de ne pouvoir traverser le détroit pour rejoindre le continent européen, et la France, où l’attend sa mère. Son périple, du Pérou à Tanger, via la Guyane française, la débrouille, les galères, la prostitution… Kelly parle, se raconte, dit et répète son amour pour ses frères et sa mère. Cet amour la fait tenir. Le film se construit dans cette tension entre l’espoir d’une vie meilleure, l’attente et le désir de retrouver sa mère, et la situation désespérée de Kelly qui n’a connu que refoulements, arrestations, retours à la case départ, séparations. Mais comme pour rendre cette vie moins insupportable, la réalisatrice ménage des ouvertures, offre à Kelly des possibles et des présences, des modes narratifs autres qui sont autant d’échappées belles.